Capitaine Slam

Publié le par Jean-Louis Connard


C'est dans un bar sombre du 11ème arrondissement de Paris que m'a été donné la possibilité de découvrir pour la première fois de ma vie une session de slam. Et je dois avouer que j'ai passé un bon moment, et pas seulement pour les quelques talents que j'ai pu écouter, magnant avec subtilité leur verve et leurs verbes, utilisant alitérations, litotes, calembours et humour. En effet, une session de slam s'apprécie aussi comme une retransmission télévisée de patinage artistique : on attend impatiemment, fébrile de bonheur, la jouissance de voir les protagonistes se rétamer.
Parmi les slameurs qui ont marqué du sceau de leur médiocrité cette soirée, une vraie galerie de personnages dignes de Freaks, comme par exemple Tata Miloud, maghrebine de 68 ans, qui annonça tout de suite la couleur dans son accent berbère : il y a encore trois semaines, elle ne savait ni lire ni écrire. Forcément, son texte en pâtit, malgré "son amour de le slam". Avec elle, le public n'applaudit pas le talent, mais l'effort, un peu comme dans les réunions pour alcooliques anonymes.
Il y eut ensuite un rebeuh au crâne aussi long que celui d'Alien, visiblement handicapé mental, qui s'est mis à déclamer un poême d'amour pour "la chérie de ses rêves que dans son lit il en rêve". Vînt ensuite un altermondialiste en fauteuil roulant, à qui il manquait un bras. L'antithèse de Grand Corps Malade, version mal terminée, que nous appelleront Petit Corps Coupé, afin de lui faire rendre un hommage à l'artiste qu'il idolâtre sûrement (pour lui, pouvoir marcher avec une béquille serait aussi merveilleux que courir aussi vite qu'Usain Bolt pour nous). S'en suivit un défilé de quincagénaires gauchistes, nostalgiques de 1968, cherchant à critiquer Sarkozy et son gouvernement, façon Caveau de la République, puis toute une batterie de dépressifs mal rasés, gardant anorak et écharpe malgré la chaleur moite du bistrot, et récitant des textes aussi glauques que ridicules ("le désespoir, c'est désespérant, je préfère partir les pieds devant"). Le set fut clotûré par un conteur africain de 2 mètres sur 3, qui, avec une histoire de 20 minutes, parlant d'un oiseau revenant au pays voir ses frères oiseaux, m'a outrageusement mis dans l'embarras, car, avec mes 5 Leffe dans le buffet, j'avais très envie de pisser. Ce qui est fort désagréable quand on ne peut pas quitter sa chaise afin de ne pas perturber le narrateur.
Une bien belle soirée donc, qui prouve que ce sont les artistes ratés qui offrent le meilleur spectacle.

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C
Le vrai Capitaine Slam ne cautionne pas ce texte.<br /> Signé : Capitaine Slam
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J
<br /> <br /> Jean-Louis Connard n'avait jamais entendu parler d'un "vrai" Capitaine Slam jusqu'à maintenant. Il voulait juste faire un jeu de mot pourri. Très pourri. <br /> <br /> <br /> Signé : Jean-Louis Connard.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />