Dans la fosse aux fions

Publié le par Jean-Louis Connard

velo-encule

 

C'est au fond des vieux troquets de Paris que l'on fait les meilleures soupes de langues. Du moins le croyais-je avant de m'engouffrer dans ce bar ce soir-là, bar qui accueillait un orchestre ne jouant - tristesse - que des reprises. La nouveauté et la découverte n'étant pas le souci premier de l'ouvrier, ce dernier se contente de la mélasse qu'il connaît par coeur. Ainsi, il ne perd pas ses repères, et peut aisément évoluer dans la foule, assurant ses pas sur un quelconque U2 qu'il chantonne habituellement sous la douche, ou sur le fameux Johnny Hallyday, qui sait rassembler les moins mélomanes des buveurs de demi. Le spectacle de reprises rock, c'est ce qui maintient en vie ceux qui ne le méritent pas.

Bref, donc, comment douter de son efficacité séductrice quand on est l'unique personne intéressante du lieu. On se prend alors pour un ersatz de client de CDiscount, car le choix est là, et au moindre coût : la femme de 45 ans aux traits rongés par l'alcool (quatre kirs, soit 10 €), la jeune mère célibataire d'une vingtaine d'années (une chambre d'hôtel, soit 60 €), la naine poilue qui n'a que trois dents (une tape dans le dos),etc... J'étais, vous le constatez, contraint et forcé de faire mon marché. Et si je regrette mon achat, bah c'est pas grave, ça ira à la poubelle ! Pour ce que ça m'aura coûté...

Alors d'où vient cet affront, au moment où, éméché à un point où on se sent l'homme le plus fort du monde, celle que vous convoitiez vous refuse un baiser ? Peut-être du filet de bave situé aux commissures de vos lèvres, qui pourrait gâcher, elle le sent bien, la magie de l'instant. Ou, plus sûrement, du fait qu'à ses yeux, vous n'êtes qu'un trentenaire bourré, puant la sueur, dont les yeux rouges imbibés de Leffe vous empêchent de faire ressortir votre image d'artiste maudit qui, le cinéma francais chiant le prouve, fait tomber les filles en pamoison.

Retenons-en une leçon : cet échec, c'est aussi celui de la science. Les aisselles odorantes ne sont pas des nids de phéromones. Se saouler ne donne pas de courage surhumain, surtout quand il reste une petite tâche de vomi sur votre col de chemise. Enfin, sortir au milieu d'une meute de femelles ne garantit en rien l'assurance de rapporter un trophée chez soi. Ou alors un trophée quinquagénaire qui pisse debout, et qui laisse sa perruque sur le bord de votre lit.

 

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