Gros et demi-gros

Publié le par Jean-Louis Connard

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La journée promettait d'être remplie, et pourtant, je n'en connaissais pas le programme. La seule chose que je savais, c'était qu'il fallait se réunir, sous couvert de délégation syndicale, dans un local situé Quai de Loire, en arborant l'étiquette CFTC. Devait en résulter un vote d'un certain bureau, plus ou moins légitime, vu que cela fait plus de trois mois que la fédération à laquelle je suis affilié "oublie" de prélever ma cotisation syndicale. C'est donc avec un esprit nonchalant et une humeur baveuse que je guidai mes pas dans le 19ème arrondissement, accompagné de mes collègues qui, tout comme moi, y accordaient autant d'importance que le peuple français en accorde à la montée des extrémismes dans notre pays.

On nous fit pénétrer (sans vaseline) dans une salle trop grande pour nos idées, longue comme un préau de province et aussi vétuste qu'un hall de gare nordiste. Installés au dernier rang, tels des cancres de ZEP, mes camarades et moi attendions la suite des évènements. Un homme, d'un âge respectable et d'un poids un peu moins, entra en scène et entama sans micro un discours dont la teneur, pour les trois personnes qui ont pu l'entendre, avait autant de sincérité que le discours de Ben Ali après la dramatique immolation de Mohamed Bouazizi.

Décidant de narguer mes devoirs d'élu, je préférai perdre mon temsp à recenser les "camarades syndiqués" des autres entreprises que je n'avais jamais vu. Le syndiqué, comme je l'ai toujours dit, est souvent gros, hirsute, fainéant et sale. Parmi la galerie de portraits qui gesticulaient devant moi, certains ont retenu mon attention, comme cette antillaise d'une cinquantaine d'années, encore bien faite, qui eut le bon goût de se vêtir entièrement de cuir rouge et noir, pantalon et chapeau compris. Une espèce de fan de Kool & The Gang, tout droit sortie des années 80. Il y avait aussi celui que l'on surnomme amicalement "le Goitreux", qui a subi il y a quelques années une opération du larynx. Il est désormais doté d'une bouche de traviole, d'une boule sous la gorge et d'une voix nazillarde d'autant plus ridicule que cet homme n'arrêtait pas de prendre la parole pour manifester son mécontentement. Pour finir, je ne pus m'empêcher de rire en observant ce quarantenaire obèse jouer à Tetris sur son I-Phone devant ses collègues, fier d'exhiber sa science des nouvelles technologies à des personnes encore fidèles à leur mobicarte.

Après l'élection de ce fameux bureau (dont l'utilité reste toujours floue pour moi), un autre discours commença. Et, pour clôturer ce rapport, je ne peux résister à la tentation de vous citer quelques extraits : "Jean-Paul R. devait intervenir, mais il pouvait pas rester, il avait rendez-vous avec quelqu'un. Donc nous pouvons écouter Marcel F. à la place, mais pas maintenant, il fume ne cigarette." Plus tard, le responsable de la fédération : "Bonjour, je suis Patrick H., responsable de la fédération, et vous pouvez me poser n'importe quelle question s'il y a un problème. Par contre, pas la peine de m'appeler, je ne suis jamais joignable."

Ne vous y trompez pas. Se réunir, militer, afficher ses convictions sont des actions qui n'ont qu'un unique but : remplir les pages de ce blog.

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