Les doigts dans le nez...et dans la gorge

Publié le par Jean-Louis Connard

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Le jour J est arrivé. Confiants, mon ami et moi nous apprêtions à participer à ce fameux tournoi de belote (Le retour du champion ) qui allait encore une fois nous démontrer, après analyse des participants, qu'il n'y a pas besoin de ne pas avoir de Rolex pour rater sa vie. A peine arrivés, nous commandions deux kirs pour nous fondre dans la masse, et nous nous sommes installés en attendant le début des hostilités. Sur quatre parties, nous sommes tombés trois fois sur les mêmes adversaires : les vainqueurs du précédent tournoi, soit le champion locale historique, qui a l'air de se coiffer quotidiennement à l'aide d'un ventilateur, et un vieux à casquette qui a plus lutter contre Alzheimer que contre nous. Nous les avons facilement éclaté deux fois sur trois.

En attendant les résultats finaux, mon compère partit aux gogues écluser les verres qu'il avait bu, et je me dressai devant le comptoir, regardant ce qui servait d'arbitre compter les points. Dirigeant mon regard vers les fiches de score, je me rendis compte avec horreur que ces enculés de sexagénaires avaient corrigé les points pour s'octroyer la victoire!! De la tricherie pure et dure! De la science fiction, du rejet anti-jeune dans ce temple de la crasse et du RSA! Mais leur vie est un échec, et il faut bien qu'ils gagnent quelquechose... pourquoi pas un tournoi de belote? Malheureusement pour eux, je met un point d'honneur à écraser les plus faibles que moi. J'ai donc rétabli la vérité dans un mécontentement général, y compris du corps arbitral. Peu après, la patronne a voulu nous présenter au reste de l'assistance, mais en inversant nos deux prénoms. Je le lui ai fais remarqué et me lança cette répartie unique :

- Comment voulez-vous qu'on sache? Y en un de vous deux qui est métisse et vous avez tous les deux des prénoms normaux!!

Un client, petit et trappu, en profita pour donner ce conseil devant toute l'assistance :

- On a qu'à l'appeler Mamadou ton copain!!

C'est ce moment précis qu'a choisi mon partenaire pour sortir des chiottes, et il fut accueilli par ce même client d'une chaleureuse façon :

- Tiens!! Voilà Mamadou!

Interloqué et gêné, mon ami tomba des nues et s'enferma dans un silence calimeresque qui en disait long sur sa détresse.

Après avoir attendu l'annonce de notre triomphe alors qu'un homme éméché (une sorte de clochard qui venait de se relooké chez Gémo) tentait de se battre avec la patronne, nous décidâmes de quitter au plus vite ce lieu sordide. Le tenancier  courut derrière nous, nos lots à la main. Il semblait désolé pour nous sans comprendre pourquoi. Le genre de personne qui croit être sympa en félicitant les Noirs pour leur capacité en danse et en athlétisme. Nous avons pris les deux sachets sans mot dire, et, une fois seuls, avons regardé à l'intérieur. Nous venions de gagner deux côtes de boeuf...

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