Le retour du champion

Publié le par Jean-Louis Connard

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La fièvre me brûlait depuis plusieurs mois. Je ne pensais qu'à ça, tel l'enfant à qui on promet d'aller au Parc Astérix la semaine prochaine si il finit ses brocolis. Ce tournoi de belote était devenu une obsession, et seul l'assouvissement de ce désir pouvait me calmer. Je me suis donc décidé à retenter l'aventure, un sentiment d'excitation intense courant dans mes veines. Pourtant, la belote, c'est pas le meilleur jeu du monde. C'est, par exemple, beaucoup moins bien qu'une PS3. Le seul atout (ah! ah!) de ce jeu de cartes est de permettre la picole tout en jouant, chose plutôt ardue une manette dans les mains. Non, ce n'est pas la belote en elle-même qui m'attirait, mais le lieu où allait se tenir cette rencontre ludique : la Cour, un café dont j'ai déjà fait l'éloge ici (La belote à Biloute , L'ivresse est un atout ).

Quand je suis arrivé devant ce temple des bas fonds afin d'enregistrer nos inscriptions, je pensais que rien ne pouvait m'arriver de pire que la dernière fois. Et bien entendu, je me trompais lourdement. Accompagné de mon fidèle partenaire (nous avions tous les deux peur d'y aller seul), je me suis installé sur la terrasse. Postée près de l'entrée du bar, une femme d'une trentaine d'années (mais qui en accusait vingt de plus), chaussée de tongs à poils roses fluos, nous observait en fumant. Nous étions en pleine négociation pour savoir lequel de nous deux allait faire les inscriptions et prendre commande. Après avoir sorti deux fois les ciseaux contre deux pierres, je devais reconnaître ma défaite, et je me mis à me lever, la mine déconfite. La patronne, Coco, arriva alors et se dirigea vers notre table : elle portait un chapeau de cow-boy, un jean rose et des santiags rouges à paillettes. Un malheur n'arrivant jamais seul, elle nous avait reconnu. Elle nous demanda alors ce qu'on désirait, avec un sourire aussi chaleureux que celui de Christine Boutin, et, après avoir entendu notre réponse, elle me prit le billet de 10 euros de la main et m'invita à la suivre à l'intérieur.

 - Je vais prendre vos inscriptions sur les dix euros, et avec la monnaie, je vous donnerais les tickets pour les bières.

Je vous rassure, moi non plus je n'ai pas compris cette phrase. Voyant mon air dubitatif, elle répéta sa phrase mot pour mot. Je ne comprenais toujours pas :

 - Les tickets pour les bières?... Mais, les consos gratuites, je les prendrais le jour du tournoi! Je veux juste m'inscrire...

 - Oui! Je sais! Je te parle pas des consos gratuites mais des tickets pour les bières de maintenant!!

Dans son emportement, elle me fit une "Catherine Ringer" : elle perdit une dent! Elle la rattrappa tant bien que mal entre ses lèvres! Gêné, je détournai le regard et remarqua que le gros sale en espadrilles qui buvait à côté de moi avait une nana dans ses bras, encore plus bonne que la plus bonne de mes ex-copines. Je fus jaloux de ses ongles noirs et de son odeur de sueur à la sardine en voyant ce qu'il embrassait! J'étais bel et bien de retour chez les tarés...

Je sortais du bar en tremblant, me dirigeant vers la terrasse. Mon ami m'attendait, détendu, sirotant une des bières qui étaient arrivées entre temps. Je le pressai de terminer son verre, car il était grand temps de quitter cet endroit maudit. La grosse pompette a eu raison de la petite mauviette...

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