Saucisse Fripes
Poussé par un élan de créativité dont je tairais l'intitulé car je n'ai pas confiance en vous (les droits d'auteur sont durs à gérer), j'ai commencé ce début d'année en arpentant les friperies parisiennes. Il convient de différencier ce type de boutique en deux genres distincts : les pouilles et le vintage.
J'ai débuté cette journée de chinage par ce que j'ai appelé précédemment "les pouilles". Coincés entre le quartier de la Place de Clichy et celui de Barbès, on retrouve beaucoup de magasins de fripes puantes et crasseuses. On recherche de quoi se déguiser pas cher, et on se rend vite compte que les autres clients sont là pour SE VÊTIR pas cher. La plèbe se pressait dans les rayons, fouinant, essayant et reniflant à pleins poumons des loques que j'avais toutes les peines du monde à effleurer malgré mes gants de marque Forzieri. Après tout, la plupart des personnes qui ont porté ces vêtements est morte de froid dans la rue ou d'une balle dans la tête pour quelques grammes de coke non payés. Ecoeuré, remué par une multitude de spasmes nauséeux, je me forçais à trifouiller ces monceaux de nippes comme un pâtissier pétrit sa frangipane ou un boulanger sa femme, pour enfin trouver quelque chose qui ressemblait à ce que je cherchais. Sur le devant du sous-pull que je tenais dans les mains paradait une longue trace de merde, et l'étiquette désignant le prix d'1€50 paraissait désormais exorbitante. Mais si je suis un lâche dans les combats, je recule rarement devant la saleté, quoiqu'il m'en coûte. C'est pourquoi je me suis retrouvé à la caisse, donnant deux pièces de monnaie en échange d'un bout de tissu décoré au caca.
Après m'être lavé huit fois les mains dans huit cafés différents (avec autant de bières à la clé car je n'étais pas là pour me faire chier non plus), je continuais mon périple en me dirigeant vers le quartier de Saint Paul, là où le mètre carré vaut plus cher que le salaire annuel des habitants du boulevard Barbès. Tel le démon s'étant racheté, me voilà entrant dans le Paradis après avoir quitté l'Enfer. Les boutiques de friperies du Marais n'ont rien à voir avec celles du 18ème arrondissement. Les robes fluo des années 90 remplacent les vestes à carreaux déchirées, les chapeaux de bobos à peine élimés trônent en lieu et place des chaussures orphelines, et les vieilles berbères ont laissé la voie libre à des étudiantes de vingt ans qui, malgré la fraîcheur de l'hiver, n'hésitent pas à montrer leurs jambes et libérer leurs phéromones. Soyons clairs, rien dans ces échoppes ne m'intéressait, et même si j'étais le seul garçon dans les rayons, je m'y suis longtemps attardé. Occupé à faire semblant de jauger une petite jupe rose à pois jaunes, j'en profitais pour mater les clientes rieuses et innocentes qui m'entouraient. Sûrement pris pour un transformiste qui cherchait sa tenue pour la nouvelle revue de Chez Michou, je me mis à regarder les talons aiguille et les corsets en cuir. Ainsi je masquais ma lubricité dans l'unique but de me masturber une fois rentré chez moi.
Partir fut une torture, et prenant le métro, bredouille, je me rendis compte que ma seule consolation était un sous-pull bleu avec des excréments dessus...