La Soirée de la Chasse

Publié le par Jean-Louis Connard

 

Journee-Americaine-Sebourg-119

 

A Paris, nous avons les bars, les pubs, les boîtes, les restos, les théâtres, les cinés, et mille et un autres lieux pour s'éclater. A Grobourg, petit village du centre de la France subsistant grâce à la zone industrielle Norifor d'une part, et au RSA d'autre part, on a la Soirée de la Chasse. Et la Soirée de la Chasse, ça n'arrive qu'une fois par an. L'occasion pour les habitants de mettre leur jogging le plus propre et de porter leurs plus belles Reebok. J'ai eu moi-même la chance de participer à l'édition 2011, et raconter tout ce qui s'y est passé en une seule fois serait criminel.

Dès mes premiers pas dans la salle des fêtes de Grobourg, je remarquai que les convives s'étaient séparés en plusieurs groupes distincts. Les hommes, agglutinés au bar, sirotaient leurs whisky-coca ou leurs bières, parlant peu et profitant du bas prix des boissons (2 €). Il faut dire que si les débits de boissons franciliens cherchent à faire du bénéfice, ici on cherche surtout à faire boire le plus de monde possible. Les mâles fixaient tour à tour leurs verres et le fond de la salle, où s'excitaient leurs femmes qui dansaient le Jerk en remuant leurs bourrelets disgrâcieux. Assises à côté, quelques jeunes filles habillées en Jennyfer trépignaient d'impatience en attendant la Macarena et DJ Bobo.

Essayant de rentrer dans l'ambiance, je me dirigeai vers le bar armé d'une pièce de 2 euros. A peine avais-je mis mon coude sur le comptoir que je sentis quelqu'un se frotter contre mon cul. Je me retournai alors pour tomber nez à nez avec un quincagénaire éméché, qui me prit par le cou et commença à danser le slow avec moi. Il me regarda ensuite droit dans les yeux et me lança : "Moi, c'est Robert! J'adore la musique des années 80 et 90! C'est vraiment la meilleure musique  de l'histoire de l'humanité! Tu trouves pas?" Je restai interdit et déclina poliment sa sensuelle invitation. Son grognement me permit de croire qu'il était sensiblement déçu. Après avoir discuté avec deux ou trois compères, et bu au moins le double de bières, un cri strident se fit entendre derrière moi. Toute la salle se retourna dans la même direction pour découvrir une femme brune tenant sa fille de 5 ans dans ses bras, complètement apeurée, face à... Robert! "Fous lui la paix gros dégueulasse! Arrête de faire tes saloperies à ma gosse!" Deuxième déception pour le pauvre Robert, mais première anecdote pour moi, que j'ai très vite assimilée à une tentative pédophile.

Un peu plus tard, j'étais fasciné par un petit homme complètement fait qui levait les bras de façon désordonnée sur le mythique Femme des années 80 de Michel Sardou, et qui essayait d'entraîner vainement une grassouillette courte sur pattes dans sa danse. Il faisait tellement peine à voir qu'il me faisait énormément rire. Un quart d'heure après, il tomba dans un gros bruit sourd, presque inconscient. Une dizaine de personnes, dont je faisais miraculeusement parti, le relevèrent avec peine. Un de mes comparses se décida à le raccompagner chez lui, et, ne voulant pas rater ça, je lui proposai derechef mon aide. Nous voilà donc mon ami et moi portant tant bien que mal l'énergumène, que tout le monde appelait Jean-Jean. J'appris sur la route que cet homme était tout le temps bourré. Un de ses plus hauts faits, rapporté d'ailleurs dansle journal local, , a été d'avoir failli se noyé dans un ruisseau profond de 80 centimètres...

L'homme de cent kilos n'arrêtait pas de faire des zig-zag sur le chemin, et il nous a fallu près de 25 minutes pour l'amener à bon port (alors que le trajet peut être vite chier en 3 minutes). Une fois chez lui, mes yeux s'ouvrirent sur un monde enchanteur : canapé désossé, jerrycanes d'alcool pur vides jonchant le sol, couche de crasse collante sur parquet défraîchi, cendriers pleins à rabord, meubles cassés, et, clou du spectacle, sa mère, en mode légume, assise dans un fauteuil déchiré, des tuyaux lui sortant de la bouche et du nez, avec un appareil respiratoire à côté d'elle.

Dernière image qui me rappela une nouvelle fois les différences entre nos deux régions : à Paris, il y a les aides à domicile, et dans le fin fond de la France, il y a Jean-Jean.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
F
<br /> Trop fort le parisien!!! J'attend la suite. Ciao<br /> <br /> <br />
Répondre